John James Audubon et la famille Price de Saint John
Galeries Bogardus, New York
John James Audubon, 1785-1851
épreuve à l’albumine carte-de-visite
10,2 x 6 cm
Don de Mary Elizabeth Blackburn Brown, 1922 (4906)
Le 27 avril 1863 dans sa résidence de Carmansville (qui deviendra plus tard Washington Heights), à New York, Lucy Bakewell Audubon donne deux peintures à l’huile à deux de ses voisins, créant ainsi un lien durable entre un artiste américain renommé et une famille de Saint John.
Lucy Audubon (1788-1874) est la veuve de l’artiste et naturaliste John James Audubon (1785-1851), né à Saint-Domingue (Haïti) et fils d’un capitaine et planteur français. Il est élevé par sa belle-mère à Nantes, en France, où il manifeste un intérêt précoce pour l’art et la nature. En 1803, il part pour l’Amérique, où il s’installe dans une propriété familiale, près de Philadelphie, épouse sa femme Lucie et entreprend une carrière dans laquelle il met à profit ses connaissances en ornithologie autant que ses talents artistiques.
Galeries Bogardus, New York
Lucy Bakewell Audubon, 1788-1874
épreuve à l’albumine carte-de-visite
10,1 x 6,1 cm
Don de Mary Elizabeth Blackburn Brown, 1922 (4908)
Le plus grand chef-d’œuvre d’Audubon est Les Oiseaux d’Amérique, publié à Londres par R. Havell and Son, 1827-1838. Cet ouvrage monumental en quatre volumes lui permet de réaliser son objectif, celui de montrer les oiseaux grandeur nature, en action et dans leurs milieux respectifs. Les Oiseaux d’Amérique connaît un grand succès et s’avère lucratif, ce qui vaut à Audubon de se faire une place parmi les plus grands artistes américains du XIXe siècle.
Les peintures à l’huile font partie d’un projet qu’Audubon a conçu pour promouvoir et financer son onéreuse publication. Il décide de faire des copies sur toile de certaines des aquarelles afin de les exposer et de les vendre. Bien qu’il n’ait jamais aimé peindre à l’huile et qu’il se croit sans talent à cet égard, Audubon fait quelques huiles pour ce projet, mais en 1831, il demande à l’artiste paysagiste écossais Joseph Bartholomew Kidd (1808-1889) d’en peindre d’autres. Nombre de ces tableaux ont survécu, sans qu’il soit cependant clairement établi si Audubon ou Kidd en est l’auteur. Un certain nombre d’éléments permettent de penser que c’est Kidd qui a exécuté les tableaux de la famille Price.
Les destinataires des tableaux sont Jane Eliza Blackburn Phillips Price (cap Breton, N.-É. 1813 - 1891 Saint John, N.-B.) et sa fille aînée Mary Elizabeth Price (1837-1892 Saint John). Jane Price était la veuve d’Edmund Allen Price (Saint John 1808 - 1857 Carmansville, N.Y.). Edmund Price est un marchand du quai sud de Saint John et travaille pour l’entreprise de son père, entreprise dont nous ne connaissons toujours pas la nature. Plus tard, il s’établit à Boston puis à New York, mais nous ignorons si c’est pour des raisons professionnelles ou personnelles. Après sa mort à Carmansville en 1857, sa famille reste un moment à New York, puis revient à Saint John vers les années 1890.
À Carmansville, les Price et les Audubon sont des voisins relativement proches, et Jane Price et Lucy Audubon sont amies. Le cadeau de Lucy aux femmes de la famille Price doit avoir eu une signification particulière, car au moment même où il est fait, Lucy connaissait des difficultés financières, qui l’ont par la suite amenée à vendre Minnie’s Land, la demeure familiale, ainsi que de nombreuses œuvres de son mari.
Les circonstances entourant la remise du cadeau sont consignées par la plus jeune sœur de Mary Elizabeth, Mary Dickenson S. Price (Massachusetts 1853 - 1914 Digby, N.-É.), qui est alors présente. De retour au Nouveau-Brunswick un peu plus tard, elle épouse Ira Cornwall fils (1847-1897), un agent d’assurance de Saint John. Les peintures qui finissent par se retrouver en sa possession sont données en 1919 à la Natural History Society of New Brunswick par son fils, Ira Edward Cornwall. Quelques années plus tard, en 1922, la fille de Mary et Ira Cornwall, Mary Elizabeth Blackburn Brown, fait don de quatre photographies, des portraits de John James et Lucy Audubon, et d’une planche des Oiseaux d’Amérique, ce qui constitue une autre preuve des liens entre les deux familles.
Il existait d’autres liens directs entre Audubon et le Nouveau-Brunswick. Durant l’été de 1832, le peintre et sa famille remontent le Saint-Jean dans un bateau qu’il décrit comme « un simple chaland, commandé par une personne d’un aspect plutôt rustre et aux manières grossières ». À Fredericton, la famille demeure chez le lieutenant-gouverneur Sir Archibald Campbell, un séjour dont Audubon se souvient avec plaisir. Il remonte ensuite le fleuve jusqu’à Woodstock, puis Houlton, dans le Maine.
Il décrit une expédition au Labrador de manière évocatrice dans son journal, où il écrit « Rarement dans ma vie je n’ai quitté un pays avec aussi peu de regrets ». Sur le chemin du retour, il fait escale à Saint John, où il arrive à 2 heures du matin. Il se promène le long des rues éclairées par la lune, et lorsque les boutiques ouvrent, il achète « deux ensembles en excellent tissu pour des vêtements de tir ». Au cours de ce voyage, Audubon en profite pour naviguer dans la baie de Fundy et visiter Grand Manan et Point Lepreau. Se pourrait-il que ce soit lors d’une de ses visites au Nouveau-Brunswick qu’il ait rencontré la famille Price de Saint John?