l’île de l’Ascension
Au XIXe siècle, l’île de l’Ascension était le nom communément donné à l’île de Pohnpei (Ponape), qui est maintenant l’un des États fédérés de Micronésie et l’une des îles de l’archipel des Carolines. Si les Espagnols sont les premiers Occidentaux à visiter l’île au XVIe siècle, ce n’est qu’à la fin des années 1820 et 1830 qu’elle est visitée de façon régulière, surtout par des baleiniers, qui sont tout d’abord les Britanniques faisant route depuis l’Australie, que remplaceront largement les Américains dans les années 1840. Dans son histoire de Ponape, David Hanlon raconte que les baleiniers américains,
sillonnaient les eaux nordiques au printemps, en été et au début de l’automne pour se diriger ensuite vers l’Est avant l’arrivée de l’hiver. Après s’être arrêtés à Honolulu pour décharger leurs cargaisons d’huile de baleine, les navires passaient les mois d’hiver à suivre les routes migratoires des baleines le long de l’équateur. Dans l’est de l’archipel des Carolines, les baleiniers faisaient escale à Ponape et à Kosrae, une autre île, des endroits parfaits pour se reposer et se réapprovisionner. (Hanlon, p. 73).
Jusqu’alors, on ne savait guère que des baleiniers du Nouveau-Brunswick faisaient aussi escale à Ponape à cette époque, probablement pour suivre les mêmes routes que leurs confrères américains. L’industrie baleinière s’est maintenue pendant une vingtaine d’années au Canada atlantique, soit de 1830 à 1850. Pendant cette période, douze navires atlantiques pratiquaient la pêche à la baleine dans les Mers du Sud. Dix provenaient de Saint John et deux d’Halifax (Lévesque, p. 225). Le premier baleinier canadien connu (comme étant britannique) en Micronésie est le Mechanic, qui appartenait à la Mechanics’ Whale Fishing Company de Saint John, et dont le lancement avait eu lieu dans cette ville le 26 mai 1836. Il fait escale à Ponape en décembre 1840 au cours de son deuxième voyage dans le Pacifique Sud, à destination duquel il avait pris le large en 1838 (Lévesque, p. 226). Ce voyage prend fin en 1841, et bien que d’autres baleiniers de Saint John aient par la suite fait escale à Ponape, le Mechanic est le seul dont l’équipage aurait pu rapporter des artéfacts pour le Gesner Museum. Le lien des donateurs avec le Mechanic n’a pas été découvert.
Les artéfacts eux-mêmes posent les problèmes d’identification communs à la plus grande partie de la collection internationale de Gesner. Avec le temps, la plupart d’entre eux ont perdu leur numéro d’acquisition, et le caractère limité des descriptions rend leur localisation difficile. Jusqu’à présent, seuls deux des cinq objets provenant de Ponape ont pu être retrouvés. La ceinture est le premier d’entre eux. Bien qu’elle ait noirci et se soit partiellement désagrégée à cause, en partie, de la nature des matériaux, sa conception et la technique utilisée sont caractéristiques des ceintures de Ponape. Elle ne comporte aucun matériau occidental, contrairement à certaines ceintures fabriquées par la suite.
Très récemment, l’herminette de Ponape a été distinguée des autres herminettes de la collection. L’anecdote voulant qu’elle ait été extraite des ruines d’une ville de l’île de l’Ascension est éloquente. Cette ville ancienne ne peut être que Nan Madol, dont on sait que le capitaine Allen, du Mechanic, l’a visitée en 1840 (Lévesque, p. 226). Décrite par un écrivain comme « le site le plus remarquable de toute l’Océanie », cette cité lacustre d’environ 18 km2 est construite sur une série d’îlots dans un lagon situé au sud-est de Ponape (Kaeppler, p. 139-140). Si le site est occupé depuis le IIe ou le IIIe siècle apr. J.-C., la construction de la ville de pierre date du XIIe ou du XIIIe siècle. Son occupation a atteint des sommets entre l’an 1000 et l’an 1500 avant qu’elle soit abandonnée et envahie par la végétation au XIXe siècle.
Rien n’a été trouvé qui fasse une référence personnelle aux souvenirs rassemblés en 1840, mais une visite ultérieure a probablement été semblable, qui donne un aperçu des transactions. En effet, à la fin de 1847, l’Athol, un baleinier de Saint John sous le commandement du capitaine James Doane Coffin (1814-1885), fait escale à Ponape pendant une semaine environ. Benjamin Doane, un membre de l’équipage originaire de Barrington, en Nouvelle-Écosse, a laissé un récit du voyage dans lequel il raconte les faits suivants :
Comme curiosités, j’ai acheté un certain nombre de costumes indigènes en échange de tabac. Il a été facile d’obtenir les kilts et les étoles qui ne sont pas chers, mais les ceintures, qui sont de véritables œuvres d’art tant par leurs couleurs que par leur style, sont plus précieuses pour leurs propriétaires, et ce, à juste titre. J’en ai acheté deux de différentes sources, après d’âpres négociations, contre cinq plaquettes de tabac chacune. Mais j’admirais tout particulièrement la ceinture que portait le roi lui-même, qui, lorsqu’il a eu connaissance de cette admiration, a retiré sa ceinture, me l’a tendue et a gracieusement accepté en retour le moyen d’échange que j’avais donné pour chaque autre ceinture (Doane, p. 154).