Contes

Visage de Koluskap
Le « visage de Koluskap »

La tradition orale du peuple wolastoqiyik est aussi ancienne que l’hiver lui-même. Car c'était uniquement pendant cette saison, alors que tous passaient tellement de temps dans les wigwams, que les contes se succédaient dans la bouche du No-dji-tak-win – le chanteur. Un Wolastoqiyik à qui on a demandé un jour s’il savait parler sa langue maternelle a répondu : « Non, mais je peux la chanter. » On a souvent dit que l’euphonie de cette langue en fait une des plus agréables à entendre. Cela est particulièrement manifeste quand les aînés livrent leurs sentiments et croyances authentiques par le biais de récits évoquant l’origine sociale, la géographie, le quotidien et les explications pratiques ou mystiques. Sur fond d'environnement naturel, les attributs naturels et surnaturels d'animaux, d'humains et d'êtres surhumains forment le sujet d’intrigues complexes où se mêlent pouvoir personnel et survie, mais qui portent avant tout sur la dynamique de l’entente. Il arrive souvent que les leçons de vie, d’où se dégage une profonde sagesse humaine, s’enseignent par l’entremise de cycles de récits complexes mettant en vedette Koluskap, le défenseur de la culture wabanaki. Dans ces récits, l’action peut se jouer au niveau conscient ou subconscient; elle peut suivre la logique ou prendre des airs de rêve éveillé. Partout, on retrouve des personnages qui empruntent tour à tour un physique humain ou animal, illustrant ainsi les liens étroits entre tous les êtres vivants. De l’humble palourde espionne au petit Mikumwes qui sait voler dans les airs, mais ne sait point mentir; de l’oncle Tortue le paresseux, à la grand-mère Marmotte la fouineuse, pour ne nommer que ceux-là, à travers les légendes, les divers personnages reflètent les multiples facettes de la vie.

Abner Paul, bâton d’orateur, v. 1977
Abner Paul, bâton d’orateur, v. 1977

Traditionnellement, ces légendes peuvent prendre de deux formes. Il peut s’agir d’une poésie rythmée aux intonations mélodieuses, où l’action s’anime sous l’effet d’une énergie incroyable et d’une expression passionnée. Il arrive aussi que les récits prennent la forme d’anecdotes plus structurées, notamment quand ils racontent l’histoire de Koluskap et de son frère, Mikumwes, comme s’ils appartenaient à une époque révolue depuis longtemps.

Abner Paul, gourdin de guerre, v. 1977
Abner Paul, gourdin de guerre, v. 1977

Les contes, parvenus jusqu’à nous grâce à des documents sonores ou écrits, représentent des versions de récits racontés depuis des temps immémoriaux. Ces versions sont, sans aucun doute, beaucoup plus courtes que les récits relatés à l’époque dans les habitations, alors que la famille constituait le seul auditoire. Dans leur forme originale, ces récits authentiques pouvaient durer des heures; l’hiver étant ce qu’il est, le No-dji-tak-win avait tout son temps. Le conteur faisait appel à des procédés mnémotechniques et mettait de l'emphase; il décrivait les scènes de façon détaillée, ajoutant des éléments au passage pour enjoliver son récit et captiver son auditoire. Bien que les récits aient évolué au fil du temps, les traditions orales sont demeurées. Encore aujourd'hui, dans les communautés wolastoqiyik, des gens se lèvent pour raconter ou jouer une histoire portant sur un aspect de leur quotidien.

Construction d’un canot
Construction d’un canot par un groupe de Wolastoqiyik, v. 1890

Ici, en ce moment, nous pouvons nous représenter une séance de contes wolastoqiyik, tenue le long du fleuve Wolastoq, quand les familles se rassemblaient et partageaient leur quotidien dans des habitations confortables fleurant bon le sapin, alors que le vent hivernal soufflait violemment à l'extérieur. À mesure que le No-dji-tak-win parlait, les aventures s’imprégnaient d’enseignements de nature spirituelle. C’est ainsi que les Wolastoqiyik ont su préserver leur intégrité jusqu’à aujourd’hui et qu’ils s’inspirent maintenant de cette spiritualité pour regarder vers demain.