Koluskap rencontre le faux Koluskap
écouter le conteraconté par Gwen Bear (.wav, 1.5 mb)
Koluskap part sur le fleuve Saint-Laurent, où il rencontre d’énormes serpents; il trouve des canots où il n’y a personne. « Les serpents ont tué ces hommes », pense-t-il. Il arrive à un village où le Chef lui donne de la viande séchée, mais pas d’eau. Koluskap qui s’étrangle, demande : « Pourquoi est-ce que tu m’as donné de la viande sans l’avoir aplatie et attendrie avec de l’huile? » Lorsque le Chef lui répond que c’est là le régime habituel pour les étrangers, Koluskap jette l’écuelle en écorce dans le feu. « Est-ce que tu veux me tuer? » demande-t-il. Se sentant insulté, le Chef explique que les étrangers visiteurs font beaucoup de mal : « Un homme puissant en amont de la rivière garde un grand nombre de serpents qui nous ont presque tous tués. »
« Qui est cet homme? » demande Koluskap. Le Chef répond : « C’est Koluskap, Chef de tous les Chefs. » Pris d’une rage folle, Koluskap se lève d’un seul coup en criant : « C’est un mensonge! C’est moi, Koluskap! Je trouverai et détruirai cette personne! » Le tonnerre qu’il provoque fait tomber tous les wigwams alentour. Stupéfait, le Chef s’exclame : « C’est bien toi Koluskap. J’en suis sûr maintenant. »
Koluskap dit : « Donne-moi deux hommes pour que je l’attrape. » Le Chef sait que les hommes peuvent mourir, mais le pouvoir de Koluskap force le respect, aussi accepte-t-il. Les deux hommes se rendent jusqu’à la demeure de l’imposteur et entendent une voix qui, d’un ton bourru, les invite à entrer, puis ajoute qu’ils seront bientôt rôtis sur le feu. Les deux hommes transmettent le message de Koluskap, mais le vieil homme répond que si Koluskap veut le voir, il doit venir en personne.
Les messagers retournent voir Koluskap, qui les renvoie auprès de l’imposteur, en leur ordonnant de transmettre sa demande plus fermement. Mais pour la deuxième fois, l’imposteur refuse de revenir avec eux. Lorsque les deux messagers le préviennent des graves conséquences auxquelles il s’expose s’il ne respecte pas les exigences de Koluskap, il finit par accepter et déclare : « Je vais aller voir ce grand homme et je lui causerai des ennuis. » L’imposteur ordonne aux messagers de porter son canot jusqu’au fleuve, mais comme il est en pierre, les deux hommes n’arrivent pas à le déplacer. Le vieil homme, railleur, s’exclame : « Comme c’est étrange que le grand Koluskap ait envoyé des hommes aussi faibles! » Il soulève alors le canot, et le porte comme s’il était fait d’écorce.
Sur le chemin qui les ramène au camp, les messagers remarquent trois jeunes filles assises dans un wigwam, le visage recouvert de croûtes. Interrogées sur leurs cicatrices, les jeunes filles expliquent que l’imposteur de Koluskap les a torturées avec un tisonnier brûlant. « Nous venons du haut du fleuve et nous sommes ici depuis longtemps », ajoutent-elles. « Le vieil homme enlève des jeunes filles dans n’importe quel village, car tout le monde a peur. » Les messagers leur disent que le vrai Koluskap est au village et qu’elles devraient les accompagner pour se placer sous sa protection.
Koluskap est heureux de savoir que l’imposteur est en route. « S’il avait refusé de venir, dit-il, j’aurais pu l’anéantir d’ici. Maintenant, je vais attendre que mon frère Mikumwesu le fasse. » C’est alors que des pas lourds se font entendre. « Il arrive bien bruyamment », observe Koluskap. « Il a du culot, pour un imposteur. » Koluskap bourre sa pipe de megwins pipamp (1), l’allume et souffle de gros nuages de fumée dans le camp. Il explique au Chef que la fumée protégera le wigwam contre les coups de massue de l’imposteur.
À son arrivée, l’imposteur essaie de donner des coups de massue sur le wigwam, mais grâce à la fumée, celui-ci est assez solide pour y résister. Le vieil homme se rend tout de suite compte qu’il a affaire à quelqu’un qui est doté d’un pouvoir considérable. Toutefois, il essaie de faire bonne figure et pénètre dans le wigwam pour parler à Koluskap, qui a deux pierres qui sortent de ses joues. Quelques secondes plus tard, les trois jeunes filles aux visages croûteux entrent et s’assoient à côté de Koluskap.
Koluskap passe sa pipe à l’imposteur pour qu’il la fume, mais le vieil homme est incapable de la lever. Koluskap, d’un rire moqueur, s’exclame : « Quel grand personnage tu fais en usurpant mon nom alors que tu ne peux même pas soulever ma pipe! Comment se fait-il que tu puisses porter une massue et un canot en pierre et pagayer, mais que tu ne puisses pas soulever ma pipe? » L’imposteur répond : « J’utilise une pipe différente. Essaie-la. » Koluskap prend la pipe, mais au lieu de la fumer, il la passe aux trois jeunes filles. Lorsqu’elles ont pris quelques bouffées, Koluskap reprend la pipe et la jette par le trou du toit du wigwam. « Voilà ce que je fais de la pipe d’un étranger, dit Koluskap, et je pourrais bien te réserver le même sort avant l’arrivée de mon frère. »
Koluskap sort alors de sa poche une pierre qu’il donne aux jeunes filles et leur demande de s’en frotter le visage. Il leur demande ensuite de descendre jusqu’au fleuve et de se laver le visage. Les jeunes filles suivent ses instructions et leurs croûtes disparaissent. Le vieil homme est très impressionné par le pouvoir considérable de Koluskap. L’imposteur se lève et veut se battre, mais Koluskap lui ordonne de rester tranquille, car il n’est pas prêt à l’anéantir.
Finalement, l’imposteur se plaint à Koluskap qu’il est malade et déclare qu’il doit retourner à son camp pour faire des exercices, mais qu’il reviendra le lendemain. Koluskap accepte, tout en informant le vieil homme qu’il devra rentrer à pied, car son canot est brisé. La pipe qu’il avait jetée par le trou du toit du wigwam a atterri sur le canot et l’a réduit en pièces. Le vieil homme retourne donc à pied à son camp.
1. feuilles de comptanie voyageuse (Comptonia asplenifolia)