Le grand incendie de Saint John (Nouveau-Brunswick) – 1877

À la fin de juin de 1877, un incendie dévastateur ravage Saint John, au Nouveau-Brunswick. Il éclate vers 14 h 30, le 20 juin, quand une étincelle tombe dans une botte de foin dans l'entrepôt de Henry Fairweather dans le secteur de York Point Slip, près de l'actuelle Place du marché. On ignore la source de l'étincelle. Elle est peut-être venue de la chaudronnerie McLaughlan & Son's à côté ou d'un moulin à bois du quartier. Le mois de juin avait été chaud, avec du beau temps et très peu de pluie. Les constructions en bois qui prédominaient à Saint John à cette époque étaient sèches comme de l'amadou et hautement inflammables. Quand le feu a été découvert, il ravageait déjà de grandes bottes de foin et, aidé par un vent frais, il est bientôt devenu une grande conflagration. Deux minutes après que l'alarme a sonné, la voiture-pompe no 3 arrosait déjà le feu. Bien que d'autres voitures-pompes aient suivi immédiatement, l'incendie s'était déjà propagé par la chaleur et les étincelles à d'autres structures en bois du voisinage. À certains moments, la chaleur dégagée par l'incendie était si intense que des bâtiments ont éclaté en flammes sans avoir été touchés par le feu. Ceci a déclenché des rumeurs à l'effet que le feu avait été mis à dessein.

Tout compte fait, cet incendie a détruit plus de 80 hectares (200 acres) et 1612 bâtiments dont huit églises, six banques, quatorze hôtels, onze goélettes et quatre transporteurs de bois en un peu plus de neuf heures. Presque tous les bâtiments publics, les principaux commerces de détail, les cabinets d'avocats et toutes les imprimeries sauf deux ont été consommés. Et, pour comble de malheur, les assurances couvraient à peine le quart des pertes, qui s'élevaient à 28 millions de dollars.

L'incendie a causé la mort de dix-neuf personnes et un nombre inconnu de blessés. Si certains ont réussi à sauver quelques-unes de leurs possessions, bon nombre de résidents et de propriétaires d'entreprises ont perdu tout ce qu'ils possédaient. La destruction de la quasi-totalité des provisions de nourriture et des fournitures médicales dans l'incendie des quartiers des affaires et des entrepôts a entraîné la menace de famine et d'épidémies. Le besoin urgent d'abris de secours se faisait sentir. Bien que plusieurs milliers de personnes aient déménagé tout près à Portland ou carrément quitté la région de Saint John, un nombre considérable de citoyens n'avaient nulle part où aller. La patinoire municipale Victoria située rue City a servi de refuge temporaire pendant plusieurs jours. Des tentes ont été dressées sur la place de la caserne et des baraques rapidement érigées sur la place King et la place Queen pour loger des gens et des entreprises.

L'incendie de Saint John a fait les manchettes dans le monde entier et l'aide a bientôt afflué. Des villes, de San Francisco à Glasgow, ont fait des dons s'élevant au total à plus de 225 000 $. Chicago, qui avait souffert d'un semblable incendie quelques années auparavant et n'avait pas oublié la générosité de Saint John à cette époque, a envoyé 10 000 $. Le gouvernement fédéral a versé 20 000 $. Des centaines d'entreprises, d'églises et de particuliers ont envoyé des dons et offert de l'aide. Les provisions et denrées alimentaires étaient entreposées à la patinoire Victoria d'où elles étaient distribuées. Au début, la distribution se faisait dans le désordre jusqu'à ce qu'un organisme d'aide et de secours soit mis sur pied pour assurer que les personnes dans le plus grand besoin recevaient promptement de l'aide. L'Independent Order of Odd Fellows et d'autres sociétés amicales ont organisé des services de secours pour venir en aide aux victimes de l'incendie. Alors que le siège social de l'organisation à Saint John avait brûlé, l'Ordre a réussi à réunir 4 000 $ en sollicitant ses membres partout au Canada et aux États-Unis.

Faisant preuve de solidarité et de fierté, les citoyens ont entrepris sans tarder la restauration de la ville. Près de 7 millions de dollars en paiements d'assurance et 1,5 million en prêts hypothécaires ont servi à financer la reconstruction et d'autres sommes ont été réunies. Le gouvernement fédéral a construit le nouveau bureau de poste et le bureau de la douane, rue Prince William, tandis que l'administration municipale et le gouvernement provincial se sont partagé la responsabilité de reconstruire l'hôtel de ville, le poste de police et la caserne du service d'incendie. Des commerçants ont commandé des plans pour de nouveaux immeubles avant même que la fumée se dissipe. Des manoeuvres ont commencé immédiatement à déblayer les décombres de sorte qu'au bout de quatre semaines, presque tous les vestiges avaient disparu. La majorité des bâtiments publics construits après l'incendie ont été faits de briques et de pierres et soumis à de nouvelles normes de sécurité incendie plus rigoureuses. On a continué néanmoins à construire bon nombre de structures résidentielles en bois. Un an après l'incendie, 1300 bâtiments avaient été construits et, au cours des dix années suivantes, des centaines d'autres ont été reconstruits et la ville a été restaurée au fur et à mesure que les fonds devinrent disponibles.

L'incendie a détruit non moins de cinq studios de photographie où, dans certains cas, les négatifs et les épreuves de photos prises au cours des ans ont disparu à jamais, ainsi que toute la documentation. Toutefois, des images de Saint John de la fin des années 1850 jusqu'à juin 1877 avaient été imprimées et vendues de sorte qu'une documentation du paysage urbain a heureusement été préservée. Jusqu'à ce jour, on n'a retrouvé aucune image photographique de l'incendie ou des activités des citoyens aux prises avec le désastre. Le petit nombre de photographes qui ont pu sauver leur équipement ou dont le studio n'a pas brûlé ont documenté la dévastation. Et, en moins d'un an, quelques photographes s'étaient réinstallés et ont pu assurer la documentation photographique de la renaissance de la ville.