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CHAMPIGNONS DE LA GROTTE DE RAMIOUL

par

David Malloch, Musée du Nouveau-Brunswick


La grotte de Ramioul est une grotte calcaire située près du village de Ramioul dans la commune de Flémalle, province de Liège, en Belgique. La grotte fut découverte par Les Chercheurs de la Wallonie en 1911, mais il a fallu attendre 1955 pour que le système de galeries souterraines soit entièrement exploré. L'endroit revêt un grand intérêt tant du point de vue archéologique que biologique, bien expliqué par le musée situé juste à l'entrée de la grotte.

La grotte de Ramioul a été menacée plusieurs fois par les activités d'exploitation de carrière, mais a pu être préservée en grande partie grâce aux efforts assidus de M. Jean-Marie Hubart. M. Hubart a consacré une grande partie de sa vie à l'étude de la grotte et y a installé un petit laboratoire pour la recherche spéléologique.

En 1985, M. Hubart a envoyé à M. David Malloch quelques petits objets sphériques qu'il avait trouvés dans la grotte. Ces objets recouvraient un débris carné qui avait été oublié dans la grotte par un visiteur précédent. Des expériences ultérieures ont révélé que tout débris de viande laissé dans la grotte pendant une période d'environ un mois devenait entièrement recouvert de ces sphères. Les masses de sphères noires très denses ressemblaient à du caviar et sont donc à l'origine du nom descriptif « le caviar de Ramioul ». Ces sphères ont ensuite été identifiées comme une espèce encore non baptisée du genre Microascus, décrite par Malloch et Hubart en 1987 (Can. J. Bot. 65: 2384-2388), comme Microascus caviariformis.

En avril 1986, Malloch a eu l'occasion de visiter la grotte de Ramioul et d'examiner le « caviar » dans son habitat naturel. Pour cela, il lui a fallu faire une quasi-chute libre et entreprendre une escalade difficile pour se rendre à l'étage inférieur de la grotte en compagnie de Jean-Marie Hubart et Jean-Pierre Discry. Dans la salle la plus grande à l'étage inférieur, qu'on appelle « La grande salle », MM. Hubart et Discry ont attiré son attention sur des structures incrustées dans les fines couches d'argile des parois de la grotte remarquablement similaires au Microascus. Un examen minutieux subséquent a révélé qu'il s'agissait de sclérotes fossilisés de Cenococcum geophilum, un champignon qui établit des associations mycorhiziennes avec les racines de plusieurs espèces d'arbres. Des études menées par Malloch et par ses étudiants, en Ontario, ont révélé que les sclérotes de Cenococcum geophilum sont transportés par l'eau et qu'on les trouve en très grande abondance dans les eaux de ruissellement printanières. Malloch, Grenville et Hubart (Can. J. Bot. 65: 1281-1283, 1987) ont publié les résultats de leurs recherches sur les sclérotes fossilisés et ont émis l'hypothèse que ceux-ci avaient été déposés sur les parois de La grande salle lorsque les eaux de ruissellement avaient reculé il y a de cela entre 7 500 et 2 500 ans.

On trouve de nombreux insectes sur les parois de la grotte près des deux entrées. Il s'agit principalement de mouches des genres Amoebaleria, Eccoptomera et Heleomyza (toutes de la famille des Heleomyzidae) - que le Dr J. R. Vockeroth, d'Agriculture Canada, a eu la gentillesse d'identifier. Les Hirsutella guignardii forment de longues synnémates qui sont suspendues aux mouches mortes, elles-mêmes attachées au plafond de la grotte (voir illustration à droite).

En plus de ces champignons qui provoquent la maladie chez les insectes cavernicoles, un certain nombre d'autres champignons utilisent les insectes pour disséminer leurs spores. Malloch a étudié ces champignons pendant quelques semaines en 1991, à la fois à la Grotte de Ramioul et à la mycothèque de l'Université catholique de Louvain-la-Neuve (MUCL). Nombre de ces champignons isolés à partir de mouches Heleomyzidae et de coléoptères du genre Speonomus appartenaient au genre Mortierella. Ces derniers ainsi que ceux qui sont disséminés par les insectes sont encore à l'étude.

PUBLICATIONS CONCERNANT LES CHAMPIGNONS DE LA GROTTE DE RAMIOUL

Malloch, D., D. Grenille et J.-M. Hubart. 1986. Présence exceptionnelle de sclérotes de champignons fossiles dans la Grotte de Ramioul. Bulletin des Chercheurs de la Wallonie 27: 89-96.

Malloch, D. et J.-M. Hubart. 1986. Découverte d'une nouvelle espèce de Microascaceae dans la Grotte de Ramioul. Bulletin des Chercheurs de la Wallonie 27: 97-100.

Malloch, D., D. Grenville et J.-M. Hubart. 1987. An unusual subterranean occurrence of fossil fungal sclerotia. Can. J. Bot. 65: 1281-1283.

Malloch, D. et J.-M. Hubart. 1987. An undescribed species of Microascus from the Cave of Ramioul. Can. J. Bot. 65: 2384-2388.

Malloch, D. et R.S. Khan. 1988. Three fungal records from the Cave of Ramioul. Bulletin des Chercheurs de la Wallonie 28: 189:197.

[Traduit par Louise Malloch]